C’est le rêve de toute personne, spécialement les hommes (messieurs soyons francs). On pourrait aussi intituler ce chapitre “je cherche une personne qui pourra me tolérer” car derrière les nobles plis du tissu de la toge de sénateur romain dont vous vous drapez, se cache quelqu’un qui n’est pas intéressé à examiner ses comportements, ses habitudes et ses valeurs. Il rêve de trouver une personne la plus identique possible à la personne précédente. Il va brandir l’étendard du “n’essaie pas de me changer” si les choses vont trop loin dans la contestation. Il faut donc être très conscient, avant de commencer une relation, qu’il existe deux types de personnes: ceux et celles qui conçoivent qu’il y aura une période d’adaptation et que des changements sont inévitables, et ceux et celles qui cherchent la même chose qu’avant. Sans les inconvénients d’avant, bien entendu. On peut continuer de rêver.
Le père de ma première copine avait l’habitude de ne pas parler. Je ne crois pas avoir eu une seule conversation avec lui des cinq ans qu’a duré ma relation. Il ne parlait à personne d’ailleurs. Pas fâché, juste pas communicatif, du genre qui répond le plus brièvement possible. Son épouse, une personne passionnante, vivante, sensible n’avait pas davantage de succès. Elle s’était résignée. Il avait aussi l’habitude de manger à toute vitesse —sans un mot, cinq minutes chrono— et d’aller digérer en se couchant sur le divan après souper. Il dormait aussi ses nuits sur le même divan. Sa chambre était le salon. Prétexte officiel: il ronflait comme une remorque sur le frein Jacob en train de descendre une côte.
Peu de temps après que son épouse soit décédée, il a commencé à fréquenter une femme qu’on pourrait qualifier de raffinée et de communicative. La relation n’a pas duré longtemps et nous avons su les raisons car cette femme était une amie de la famille.
“Je prends beaucoup de temps, dit-elle, à lui confectionner de bons petits plats, qu’il dévore à toute vitesse, après quoi il va se coucher sur le divan. J’ai besoin d’un homme qui parle, qui communique!”
Fin de la relation.
D’accord, j’ai pris un exemple extrême. Mais au fond, combien parmi nous sommes prêts à remettre en question certaines de nos habitudes à l’aube d’une nouvelle relation?
Je me faisais récemment la réflexion que je ne suis pas porté sur la popote. J’ai bien quelques plats dont je suis le spécialiste, mais en général cette tâche est le domaine de Christine. Je me suis mis à penser que, si dans une relation subséquente je ne m’ouvre pas au minimum à la possibilité de remettre en question cet aspect de moi-même, je pars avec une prise contre moi. Pire, je me prépare inconsciemment à mettre des écriteaux partout sur ma pelouse, du genre: je ne cuisine pas, je fais peu de sports, je suis routinier, svp ne pas déranger, etc.
Pas sûr qu’il y ait beaucoup d’acheteuses qui aient le goût de cogner à ma porte.
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