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La peur de l'engagement

Conversation récente avec un participant à nos ateliers qui nous avoue avoir eu une forte réaction en regard de notre insistance de créer des relations engagées. Et il n’est pas le seul à avoir réagi, apparemment.

Il préfère le mot « choisir » plutôt qu’engagement. Pour lui, choisir est équivalent à s’engager, sans la connotation contraignante. Je te choisis, c’est beaucoup plus soft. Tu as aussi la possibilité de rechoisir ton/ta partenaire aussi souvent que tu veux. Et c’est beaucoup plus romantique que de dire «  je m’engage avec toi » chaque jour. À la limite, choisir au lieu de s’engager est plus dans le voisinage de « je t’aime ».

Curieusement, on s’approche ainsi davantage de l’amour romantique au lieu de s’en éloigner, cet amour basé sur les feelings qui ont peu à voir avec la réalité.

Dire « Je te choisis » à chaque jour me fait penser à quel point il serait bizarre de dire à ma compagne, à chaque jour, « Chérie, je ne t’ai pas trompé aujourd’hui ». WTF ! ! Bien sûr, ma compagne ne s’attend pas à ce que je la trompe. Mais cette phrase absurde appuie indirectement sur le fait que ça pourrait se produire !

S’engager est beaucoup plus « engageant » (!) que de rechoisir quelqu’un. Comment s’engager sans que ça devienne contraignant par moments ? Il n’y a pas d’engagement sans contrainte potentielle, sinon c’est une promesse vide. Pourquoi s’engager ? Dans la vie on s’engage à quelque chose parce que, et quand il y a un enjeu important. Sinon il est inutile de s’engager.

Je n’aurai jamais l’impulsion de dire à ma partenaire que je la choisis quand je suis en pétard contre elle. Dans ces situations, j’ai plutôt le goût de la repousser, de m’en éloigner le plus possible. Je suis dans mes états 1 % ; je suis réactivé. Mes mécanismes de survie sont enclenchés. Mon cerveau reptilien prend le contrôle. Je ne peux pas observer la situation avec la distance nécessaire.

On en a amplement parlé auparavant : quand je suis dans cet état, la seule chose qui m’empêche systématiquement de mettre fin à la relation est mon engagement à faire fonctionner la relation. C’est mon parachute qui m’empêche de me péter la gueule, de commettre la grosse bêtise que je vais éventuellement regretter quand il sera trop tard, en essayant de me convaincre que j’ai pris la bonne décision.

C’est un phare dans la nuit, très haut, vers lequel je me tourne quand j’ai perdu mon chemin. Je peux alors revenir jusqu’à mon phare et reprendre le bon chemin. Qu’est-ce que reprendre le bon chemin ? Parce que je suis engagé à le faire, c’est de regarder ce qui m’appartient dans la présente dispute, de prendre la part de responsabilité qui m’appartient dans ce qui s’est passé. 

Je ne sais pas pour vous, mais Christine explose rarement de façon spontanée : j’ai toujours quelque chose à y voir, consciemment ou non. Prendre responsabilité consiste à faire l’effort de regarder ce qui a manqué de ma part et qui a mené à la dispute. Je n’étais pas nécessairement mal intentionné, mais il me faut quand même regarder pourquoi j’ai posé le pied sur une mine.

Il y a donc un débat autour du mot engagement. Alors j’affirme, que tu aimes ça ou pas, que « choisir » ne peut pas à lui seul sauver ta relation. Il faut le courage qui est motivé — et qui accompagne — la force de ton engagement. Ton engagement est ton frein à main. Il n’a pas besoin d’être utilisé fréquemment pour justifier son existence.

Contribution de Christine.

L’autre jour, j’ai entendu cette phrase venant de la bouche de deux personnes ayant suivi nos ateliers : « Votre modèle de couple ne nous inspire pas. » Vraiment ? Je trouvais que cette affirmation valait quelques explications. C’était le mot « engagement »  qui accrochait pour eux. Dans le passé, quand nous avons partagé sur nos déclenchements ou nos accrochages, il arrivait que René dise: « Mon engagement est de faire fonctionner la relation. » C’est une phrase qui l’a souvent sorti d’une mer d’émotions et ramené sur terre. 

Par contre, en posant quelques questions, pour eux le mot « engagement » signifiait « faut rester là coûte que coûte et endurer l’autre ». Ça c’est le modèle de nos parents. Ou une autre variante sur le même thème : « la séparation n’est même pas une option. » 

Jamais nous n’avons employé le mot engagement dans ce sens. Et on en a pourtant bien parlé dans nos cours. D’ailleurs, ça ne fonctionne pas que d’endurer l’autre. Ça irait à l’encontre de la phrase: « Mon engagement est de faire fonctionner la relation. » Ça ne représente absolument pas l’engagement de faire fonctionner la relation. 

Quand René mentionnait qu’il avait utilisé la phrase: « Mon engagement est de faire fonctionner la relation », c’était dans des moments où la relation lui pesait, où il aurait voulu tout faire voler en éclats. Où j’apparaissais comme l’ennemie à abattre ou encore, lorsqu’il voulait disparaitre tellement il s’en voulait. C’était dans des moments de déclenchement, de réaction. Dans ces moments-là, est-ce que tu vas dire: « Je te choisis » ? C’est peu probable. C’est là que le mot engagement prend tout son sens et sa puissance. Quand on n’a pas le goût de le respecter.

Maintenant, pour être engagé, il faut s’engager à quelque chose. Sinon, on se sent comme dans l’armée: « Engagez-vous ! » qu’ils disaient. Les soldats avaient peu d’idée à quoi ils s’engageaient, si ce n’était que de prêter serment d’obéissance. Ce qui est très pratique sur un terrain de combat. C’est essentiel de presque mettre son cerveau de côté et d’obéir aux ordres. Je pense que, dans notre culture, cette signification reliée au mot « engagement » est encore très présente.

Quels sont les paramètres de votre relation ? Quels sont vos valeurs, vos besoins, vos choix, vos limites ? Quelle est la vision que vous avez de votre relation ? C’est à cette relation que vous avez créée de toute pièce à laquelle vous pouvez vous engager. S’il n’y a pas de vision, de plan, d’expression de vous-même dans votre relation, vous ne pouvez vous y engager. Sinon, vous allez devenir comme un soldat: « Je reste ici coûte que coûte. » Il ne s’agit pas de ça quand on parle « engagement » René et moi.

Finalement, je suis en gratitude que cette discussion soit venue sur le tapis avec notre ami. C’est qu’on avait encore besoin d’en parler. Je pense que ça va clarifier le mot « engagement » pour tout le monde.

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